Élévation de l'âme

Une vie

Se lève chaque matin, dans la médiane toujours fatiguée, une rhinite, allergie qui guette. Envie de pisser. De se laver le visage. Se dévisager dans le miroir et enlever la chassie de chaque œil. Se persuader d’être belle, sourire. Chauffer son lait, le boire, parfois avec difficulté, se demander ce qu’on doit aller foutre ou l’avoir préparé en forme de planning sans horaire dans sa tête. S’habiller, se décorer avec des bijoux de pacotilles. Porté sa croix et parfois son collier de perles, aller dans les toilettes et regarder son visage. Le scruter, enlever des poils à la pince à épiler ou les laisser, regarder ses boutons, cette face, son nez, sa bouche, ses yeux, son menton, ses joues, tout le reste… S’étaler une lotion tonique. Essayer d’être entre le potable et strictement correcte. Se coiffer. Prendre son sac. Se regarder dans le miroir du salon et se plaire à soi-même. Être prête. Attendre. Monter dans la voiture. En descendre. Se demander s’il est en train de la regarder. Il l’a sûrement vu. Penser qu’il est en train de se dire qu’il rate quelque chose avec elle. Penser qu’il est déjà passer à autre chose et que, de toutes les manières, elle ne l’avait jamais aimé pour de vrai. Dire bonjour. Attendre, la plupart avec un sac d’une tonne sur le dos ou le bras. Regarder son téléphone, écouter les autres parler. Surveiller pour voir l’arrivée du car. Entrer dedans. Choisir de préférence une double place libre. Sentir l’odeur atroce, mélange de poussière et de défection, d’un sois-disant transport scolaire. Le regarder ne pas la regarder. Se plonger dans un livre, une révision pour un contrôle, ou tout simplement ne rien faire. Jeter un œil sur les autres qui montent dans le bus, sur le conducteur. Admirer le paysage qui défile. Penser. A tout, à rien. Sortir du car. Avoir l’impression qu’on a vu ses dessous et baisser son t-shirt. Sentir des projecteurs braqués sur elle. Marcher avec le sentiment d’avoir une démarche non naturelle. Sortir son badge. Mettre le collier de chien dans son cou. Entrer. Dire bonjour. Les rejoindre. Dire bonjour. Déposer son sac. Discuter. Rigoler. Les écouter parler, se moquer, être ce qu’ils sont. Se dire que ce n’est pas ce qu’on souhait vraiment. Souhaiter dans sa tête d’être une personne meilleur et de s’éloigner d’eux. Mais ne pas le faire. Rester. On sonne. Les heures défilent, le débit de folie est croissant ou décroissant. Heureuse. Malheureuse. Neutre rarement. Reprend le car, rentre chez elle. Fait ses devoirs de façon bâclée la plupart du temps. Goûte. Essayer de faire du sport. Lit. Pratique selon son taux de fatigue un peu d’anglais. Dîne en regardant sa série TV sur son ordinateur. Rit. Va se brosser les dents s’il n’y a pas de flemme. Ne s’endort pas à l’heure prévue, pas aujourd’hui non plus, à trente minutes à peine du jour suivant.
23:30, Une vie.